I never promised a rose garden est bien comme son sous-titre l’indique un portrait du musicien et écrivain David Toop “à travers sa collection de disques“.
Oui bien sûr, on y apprend bien que David Toop a grandi dans une banlieue blanche et lourdement ennuyeuse de l’Angleterre des années 50; que très rapidement pour lui la musique a eu cette fonction nourricière et peut-être salvatrice qui forge chez certains une façon d’envisager le monde.
Oui, il évoque par petites touches son parcours personnel : étudiant en art dans les années 70, compositeur et guitariste, collecteur de sons en Amazonie, journaliste, écrivain…
Mais ce qui est à l’œuvre dans le documentaire va bien au-delà.
Aux voix de moines bouddhistes gravées en 1964,
à la guitare cinglante de Bo Diddley,
à l’écoute de l’historique groupe d’improvisation AMM,
au chant stupéfiant d’un étrange oiseau exotique,
s’ajoutent les réflexions et questionnements de Toop sur les limites de la musique, les non-limites possibles de notre perception et surtout la notion de trace par l’enregistrement.
Que reste-t-il de ces univers sonores fixés quand le monde dont ils sont le témoignage audible a définitivement disparu ?
Comment ces univers sonores se juxtaposent-ils et dialoguent, quelle que soit leur chronologie et leur valeur mouvante ? Comment résonnent-ils dans nos années de formation, d’apprentissage ?
Comment cela se réactive en nous ? Voulu et affirmé par les deux réalisateurs, le dispositif du film est d’une simplicité évidente. La personnalité et le flegme british de Toop y sont sans doute aussi pour quelque chose.
Mais rapidement le spectateur éprouve toute la densité du propos.
Si ce film est fait pour vous, si vous jouez le jeu de cette simplicité-densité sonore et visuelle (on vous le souhaite) vous sortirez probablement “travaillé” par ces 96 minutes en compagnie de David Toop, Dominique Lohlé et Guy-Marc Hinant.
Ces derniers ont fait le choix d’une forme et d’un montage, d’un travail de durée et de strates qui opèrent chez le spectateur une expérience singulière.
Un film rare et atypique que nous avions programmé en 2013.
D’ici là ou par la suite, si vous souhaitez aller plus loin:
Concernant les réalisateurs Guy Marc Hinant et Dominque Lohlé:
– “Vous avez abordé la réponse à une question que je ne sais pas comment poser…” : clin d’œil pour vous donner l’envie de lire “ L’interview-fleuve“, délicieux entretien des réalisateurs avec Philippe Delvosalle et Benoit Deuxant de la Médiathèque de Belgique : c’est par là. Cette lecture a été déterminante pour notre programmation. Merci à eux.
– une partie de leur filmographie soit une quinzaine de films depuis 12 ans, sur le site de Sub Rosa, label mythique qu’ils ont fondé dans les années 80 : c’est par là
– l’Atelier de Guy Marc-Hinant : une heure de radio drôle et intime, diffusée dans le cadre de l’Atelier du son de Thomas Baumgartner en février 2012 : c’est toujours en ligne et c’est très bien.
Concernant David Toop :
Pas mal de choses en français sur le web, notamment des chroniques de son livre-Odyssée Ocean of sound : ambient music, mondes imaginaires et voix de l’éther qui est dans notre bibliographie. Embarquez-vous, ce livre est un voyage.
En anglais : son blog
Ses contributions aux (web)magazine anglais The Wire ou encore Sound and Music
Et sa musique, bien entendu.
Voilà. C’est fini ? Non : ça continue et ça se rapproche.